dimanche 1 mars 2015

Avis lecture - King Kong Théorie de Virginie Despentes


 J'ai vu Barbara Schulz dans On n'est pas couché en novembre. Elle venait faire la promotion de la pièce King Kong Théorie. Je suis allé voir la description de la pièce. J'ai appris que c'était un livre. Et j'ai donc préféré acheter le livre. Tout simplement.

De quoi ça parle ? 



Avis 
Ce livre permet de comprendre le féminisme porté par Virginie Despentes. Parce que pour ceux qui l'ignorent, il n'y a pas qu'un seul féminisme. Les courants sont nombreux et complexes. Plusieurs passages ont retenu mon attention dont celui sur la situation des prostituées qui est en lien direct avec celui de leurs clients.

"[...] Quand on empêche les putes de travailler dans des conditions décentes, c'est évidemment aux femmes qu'on s'en prend, mais c'est aussi la sexualité des hommes qu'on contrôle. Que tirer un coup tranquille quand ils en ont envie ne soit pas chose trop agréable et facile. Que leur sexualité reste un problème. [...] La décision politique qui consiste à victimiser les prostituées remplit aussi cette fonction : marquer le désir masculin, le confiner dans son ignominie. Qu'il jouisse en payant s'il le veut, mais alors qu'il côtoie la pourriture, la honte, la misère. [...] Quand les lois Sarkozy repoussent les prostituées de rue en dehors de la ville, les contraignent à travailler dans les bois au-delà des périphériques, soumises aux caprices des flics et des clients (le symbolique de la forêt est intéressant : la sexualité doit sortir physiquement des domaines du visible, du conscient, de l'éclairé), il ne s'agit pas d'une décision politique allant dans le sens de la morale." (pages 80 et 81)

Toujours dans le domaine de la prostitution, Virginie Despentes a un point de vue qui pourrait en choquer plus d'un mais qu'elle défend efficacement.

"Je ne suis pas en train d'affirmer que dans n'importe quelles conditions et pour n'importe quelle femme ce type de travail est anodin. Mais le monde économique aujourd'hui étant ce qu'il est, c'est à dire une guerre froide et impitoyable, interdire l'exercice de la prostitution dans un cadre légal adéquat, c'est interdire spécifiquement à la classe féminine de s'enrichir, de tirer profit de sa propre stigmatisation." (page 83)

L'auteure s'intéresse aussi à la pornographie, l'un des sujets les plus tabous en France. Elle s'insurge contre ceux qui pensent que les hardeuses sont forcément des femmes tristes et qui n'ont pas de chance.



"La hardeuse, c'est l'affranchie, la femme fatale, celle qui attire tous les regards et provoque forcément un trouble, qu'il s'agisse de désir ou de rejet. Alors pourquoi plaint-on si volontiers ces femmes qui ont tous les attributs de la bombe sexuelle ? [...] Quel tabou est ici transgressé qui vaille cette mobilisation fiévreuse ? La réponse, après avoir regardé quelques centaines de films pornographiques, me semble simple : dans les films, la hardeuse a une sexualité d'homme. Pour être plus précise : elle se comporte exactement comme un homosexuel en back-room. Elle veut du sexe, avec n'importe qui, elle en veut par tous les trous et elle en jouit à tous les coups. Comme un homme s'il avait un corps de femme." (page 100)

Page 60, il y aussi un passage qui a attiré mon attention. Elle explique qu'en 89, elle est modératrice sur minitel et elle est payée pour supprimer les profils de plusieurs catégories de personnes : "Les racistes, les antisémites, les pédophiles et les prostituées". C'est intéressant de voir qu'à cette époque, les prostituées étaient placées sur le même pied d'égalité que des pédophiles...

Je me suis aussi reconnu dans un passage de l'introduction où elle dit : "Quand on n'a pas ce qu'il faut pour se la péter, on est souvent plus créatifs". C'est exactement ce qui m'est arrivé au collège. Je traînais avec des gars qui avaient beaucoup de succès avec les filles. Moi, j'ai vite compris que mon physique ne serait pas mon meilleur allié. Alors j'ai exploré d'autres pistes : la lecture, la guitare, le skate. Et ça m'a permis de m'ouvrir à d'autres mondes que je n'aurais peut-être pas explorés si je n'avais pas eu cet "handicap" qui quand il est bien maîtrisé devient un sacré avantage.

Avec King Kong Théorie on découvre la vie de Virginie Despentes et les raisons qui ont fait d'elle ce qu'elle est devenue aujourd'hui. C'est passionnant.


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